La Nouvelle Gilgamesh, ruines de la Spire, 1ère nuit de la Conquête
Quelque chose dérangeait Arius, quelque chose qu'il n'arrivait pas à nommer, alors qu'il contemplait Gilgamesh depuis les ruines décapitées de la Spire.
Cela ne faisait que quelques heures depuis la réduction du dernier noyau de résistance loyaliste, ou plutôt depuis que les dernières centaines d'Impériaux dépenaillés, à bout de force, d'armes et de munitions, avaient été proprement massacrées par ses Night Lords et que l'étendard plurimillénaire de la VIIIème Compagnie avait été planté au sommet de l'ancien siège du gouverneur planétaire. Il aurait pu apprécier cette victoire, au moins pour un bref instant, mais la dure réalité de la guerre s'était immédiatement imposée à lui, à travers cette simple question qu'il voyait dans les regards de ses alliés: "Et maintenant?"
Escorté de sa Première Griffe, il avait parcouru la Ruche: les esclaves - ceux d'hier et d'aujourd'hui - déblayaient les artères principales alors que les engins de terrassement de la IVème Légion et du Mechanicum débarrassaient de vastes espaces de leurs gravats, premières étapes incontournables à l'établissement de nouvelles fortifications et de nouvelles usines. Dans l'ancien quartier du culte du Faux Empereur, il avait vu les Wordbearers ériger leurs autels à leurs Dieux et multiplier les hommages insensés: l'endroit puait le sang, l'encens et la superstition mais cela ne durerait pas; Arius avait déjà d'autres plans pour les Fils de Lorgar et, s'il méprisait leur idolâtrie, il en ferait malgré tout une force pour l'avenir.
"Et maintenant?"
Le choix n'avait pas été facile, bien qu'évident a posteriori. Il lui avait fallu choisir entre la retraite, lourd du butin accumulé lors de cette campagne mais ne cachant qu'une nouvelle fuite, ou bien la conquête. La première était le quotidien de nombre d'entre eux depuis des millénaires et la fin du Siège, la seconde était ce pour quoi ils avaient été conçus mais qui leur échappait depuis tout aussi longtemps. La première était aisée, la seconde, complexe car il allait lui falloir maintenir le fragile équilibre trouvé ces dernières semaines, donner de nouveaux gages, s'assurer une fois de plus de la fidélité de guerriers pour qui trahir était devenu une seconde nature. Le Maître de Guerre le laissait faire, c'était déjà cela, mais plusieurs des autres Seigneurs n'attendaient qu'un prétexte pour le poignarder dans le dos, et il ne pouvait compter sur la Black Legion pour les en empêcher. Seuls ses propres guerriers et ses plus vieux alliés méritaient sa confiance et il n'était même pas certain que cela puisse suffire...
"Et maintenant?"
Le plan de bataille avait été établi et partagé avec les Seigneurs de l'Ost. Plusieurs parmi ces derniers s'étaient mis en route et avaient quitté la Nouvelle Gilgamesh, à son plus grand soulagement, pour d'autres zones de combats et d'autres victoires. Arius réfléchit aux motivations de ceux qui combattaient avec lui et se rendit compte qu'il n'en n'avait cure. Dans l'absolu, qu'ils combattent pour les Dieux, l'Ascension, le simple goût du sang ou par défaut, tout cela lui importait peu. L'essentiel demeurait qu'ils combattent, obéissent et écrasent leurs ennemis.
Il avait entamé la longue descente vers Fort Nox sur cette pensée, lorsqu'il comprit enfin ce qui le dérangeait autant: ce n'était pas le doute, encore moins cette peur qu'il ne connaissait pas. Ce qui le dérangeait depuis toutes ces heures, c'était le silence.
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Ave Dominus Nox